L'orgue de barbarie est tout autant un instrument pittoresque qu'une sacrée machine à paradoxes. D'abord il a un nom à coucher dehors, c'est peut-être pour rappeler qu'on peut en jouer en toute occasion, n'importe où et surtout sans être un tant soit peu épris de solfège. Il suffit d'un bon tour de manivelle et en voiture Simone, comme on changeait une roue de bagnole au siècle dernier.
Donc au niveau du folklore, l'orgue de Barbarie est un surdoué du marketing, d'autant plus que son origine pas vraiment contrôlée en fait une invention venue de nulle part: Barbarie comme Burberry ou baragouinage, que nenni, aucune parenté n'est avérée...
Surtout ce drôle d'instrument au nom exotique est donc paradoxalement un des premiers chefs d'oeuvre du high-tech, un ancêtre de l'i-pod finalement, avec les versions portables de l'orgue de barbarie: ne cherchez quand même pas la 3G, les 3 briques vous les porterez en brouette avec le dit-orgue...
Mais quand même on fabrique encore aujourd'hui des cartons perforés pour cet engin comme au temps des premiers ordinateurs, cartons qui laissèrent leur place aux disquettes de l'ère informatique et qui ont toujours pour fonction de commander l'ouverture et la fermeture des tuyaux de l'orgue.
Donc à la fois perles d'horlogerie et premiers automates des temps modernes, on pourrait croire qu'ils sont l'expression d'une toute première revanche des machines sur l'homme réduit à son simple rôle de muscle comme dans un travail à la chaîne. Sauf que, l'orgue de barbarie n'aura jamais aussi bien porté son nom, dès lors qu'il sème la zizanie dans les esprits.
Car dans sa dimension d'animation, voire même de spectacle, cet instrument n'est bien sûr pas séparable du chanteur, voire du ténor, qui caresse et apprivoise sa manivelle. Et là c'est soudain l'étincelle, la dualité homme-machine, sur laquelle l'esprit reprend peu à peu le pouvoir, en chantant sur tous les répertoires. L'orgue de barbarie, comme une trouvaille dans une brocante, est un instrument étrange fait pour pétrir l'imagination humaine, un vaisseau de science fiction qui hante les mélodies de toujours.
Et quand on parle de vaisseau ou d'armoire spatiale, c'est maintenant qu'il faut faire la différence entre orgue de barbarie, portable ou transportable sur chariot, et le fameux limonaire, aussi massif tel qu'un Frigidaire d'antan, les deux étant d'ailleurs des marques. En l'occurence le Limonaire est par excellence ce magnifique orgue de foire si massif qu'on le tracte sur plateforme et dont le nom vient d'une famille de facteurs d'orgues, vers 1840. ©