"Tiens tout a changé ce matin
Je n'y comprends rien
C'est la fête, la fête"
Bien avant que le sorcier Michel Fugain ne fasse la pluie et le beau temps dans nos coeurs et dans les hits-parades, nos "ancêtres" les Gaulois se faisaient les mêmes surprises en festoyant au milieu du village, parce que les étoiles semblaient de bonne augure la veille... Jusqu'à ce que le barde du coin ne vienne plomber l'ambiance avec sa lyre et ses chants piteux attirant des pluies diluviennes...
Depuis, en gros, rien n'a changé: même si le ciel n'est plus le seul écran scruté par les hommes pour savoir à quelle sauce ils vont être mangé. Rien n'a changé car même avec des smartphones et des tablettes épiés 100 fois par jour, la grande obsession des petits humains englués dans le quotidien et dans l'immensité galactique, reste, de tous temps... le temps.
Anecdotiquement le temps qu'il fait, mais aussi plutôt le temps en tant que durée, celui qui mesure l'éternel retour des saisons, jamais vraiment à l'identique, qui nous sépare et nous rapproche inéluctablement du premier jour du reste de notre vie. Glups!
Mais pour éviter que cette course du fond de l'éternité ne nous condamne en pauvres erres soumis l'angoisse existentielle, l'homme ingénieux et bien organisé inventa le calendrier et collectionna dessus toutes les occasions de faire la fête, au fil du temps, d'un printemps à l'autre et finalement d'un jour à l'autre. Hips! Une façon de rassurer tout un chacun sur le retour des beaux jours, des équinoxes, des solstices, du Père Noël et de... l'être aimé, aurait rajouté un marabout comme sur sa carte de visite.
Plus sérieusement le calendrier qui mesure le temps et les observations astrologiques vont mener à cette extraordinaire grande nouvelle: l'événement le plus important depuis que l'homme a marché, non pas sur la Lune mais sur la terre, en tombant de son arbre avec 2 ou 3 singes hilares.
Une "sacrée" grande nouvelle donc que l'homme honteusement festif va se cacher à lui-même pendant des siècles, car entre-temps il s'était inventé de sacrées divinités défendues par diverses chapelles, en absence de toute explication rationnelle pour illustrer cette suprématie cosmique incompréhensible.
Cette découverte fondamentale, c'est bien sûr l'héliocentrisme: la Terre tourne autour du soleil, et non l'inverse. Il faudra attendre les preuves du savant italien Gallilée au XVIIème siècle qui, bien que traîné dans la boue par l'Eglise, réussira à valider les travaux de Copernic et les intuitions, vingt siècles plus tôt, d'un certain philosophe grec, Samos.
Et pourtant elle tourne, la Terre est une planète comme les autres... Et pour les curieux, la grande explication vient du fait que la Terre tourne sur elle-même tandis qu'elle décrit non pas un cercle mais une ellipse autour du soleil et qu'enfin les planètes ont une vitesse variable... Sacrément plus compliqué qu'un problème de robinets, n'est-ce pas Archimède?
Voilà, si Fugain n'y comprit rien au jaillissement de l'atmosphère de fête, poussant comme un bourgeon de printemps, pourtant il en avait la recette et le scénar dans son plus beau roman, sa belle histoire:
"Il rentrait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi
Ils se sont trouvés au bord du chemin
Sur l'autoroute des vacances
C'était sans doute un jour de chance
Ils avaient le ciel à portée de main"
Et là pas besoin de Copernic pour comprendre l'histoire de l'homme qui se raconte des histoires pour mieux supporter le poids de la réalité et du hasard... Il court après le soleil tout en tournant autour... Selon son éloignement, il a froid ou chaud ou bien il subit toute l'année son accablement ou son absence. Le soleil refait et défait la Nature chaque saison ou alors écrase les paysages, cultures et métabolismes. En fait le calendrier du terrien, l'agenda de l'homme est une ronde, une danse elliptique autour du soleil faite de rencontres et de fêtes.
"C'est comme un grand coup de soleil
Un vent de folie
Rien n'est plus pareil
Aujourd'hui
Le monde mort et enterré
A ressuscité
On peut respirer
C'est la fête, la fête"
Un monde qui ressuscite donc chaque année, à la mode des quatre saisons, les seuls repères des hommes qui relient les hommes entre eux grâce à un calendrier qui battra toujours n'importe quel agenda de smartphone... Parce que le calendrier même en carton rappelle que la Nature est partout souveraine. Vous pourrez toujours dire que vous êtes ici ou là pendu à un portable, plus vous communiquez dans la modernité, plus la solitude sera le seul combat.
Mieux vaut vivre la superstition régressive du ciel qui pourrait vous tomber sur la tête et célébrer ces cultes et fêtes qui nous tombent des limbes. Un retour vers la Nature et la culture, ou plutôt le sacré diront certains, vers la philosophie ou la spiritualité diront d'autres. En tout cas sans rapport "téléphoné" ou timing compressé par le métro-boulot-dodo. Zzzz!
Les fêtes du calendrier sont un clin d'oeil au moins une fois par semaine au temps des révolutions cosmiques... Histoire de s'envoyer une petite dose d'éternel, dans un compte à rebours contre la mort qui est finalement le premier souci de l'homme, des grecs de l'Antiquité aux apôtres du transhumanisme enfermés dans les laboratoires de Google X à San Francisco.
Vous aurez noté qu'après plus de 2000 ans de guerres sans nom, religion et science se seront mis d'accord au moins sur un point: la durée de vie de l'homme sur Terre est aussi longue qu'un rot de fourmi. Alors pour s'intégrer dans un monde sans fin en perpétuelle expansion, l'homme célèbre les saisons comme les échos de ces cieux en infinie rotation.
Les fêtes et saisons reviennent sans fin, comme à l'échelle humaine dans l'alternance de la vie et de la mort au sein d'une famille, comme un éternel retour, hors de portée pour l'instant des hommes mais qu'ils rejouent à travers rites et célébrations. Et puis entre nous, l'éternel retour intégral, c'est-à-dire revivre la même vie éternellement, quel supplice! A moins qu'on puisse en vivre une parfaite, mais même Nietszche qui accoucha de l'idée en douta fort.
Alors arrêtons-nous aux fêtes et non pas aux croyances tout en s'apercevant, ô ciel, que le calendrier de ces ripailles généralisées est le premier programme commun politique, dans le sens de la vie de la cité (et des campagnes), concernant de proche en proche l'humanité entière.
C'est non seulement l'amalgame de coutumes et pratiques, mais aussi une forme de synthèse globale dans laquelle toutes les croyances se mêlent, notamment christianisme et rites païens: la paix, la fête, avec sanglier et bière glacée, bref du syncrétisme à consommer sans modération, pour le plaisir d'une civilisation mondiale.
Alors peu importe, les saints qui courent dans le calendrier en marchant sur leurs auréoles de martyr, le calendrier des fêtes est plutôt un feu d'artifices de cultures, un éventail de la diversité des histoires humaines, un pensum de souvenirs, un best of de mythes se réinventant avec autant de variantes que de cultures mais toujours inscrit entre deux équinoxes ou deux solstices. En Europe du Nord les solstices ou la période de Noël est la reine de l'année tandis qu'en Europe méridionale Pâques fait de l'équinoxe de printemps, et du concept de renaissance, la principale festivité de l'année.
"Plus de bruit plus de fumée
Puisqu'on va tous à pieds
C'est la fête, la fête
Le pain et le vin sont gratuits
Et les fleurs aussi
C'est la fête, la fête"
En fait, dans le monde des fêtes des campagnes mais aussi à la météo aujourd'hui, ne se succèdent que deux saisons, la belle et la froide, l'été ou l'hiver. La belle saison commence à l'équinoxe de printemps. D'autres grandes dates et repères ponctuent les calendriers et fêtes telles le premier février marquant le retour de la lumière, le premier mai mois de la floraison et des... amours, août mois de la richesse et vous savez quoi le premier novembre? La date à laquelle on repart hiberner (sans ronfler) après tant de folies et d'agapes, et avant de faire rebelote l'année suivante.
Mais autant l'avouer, faire la fête toute l'année même avec son petit calendrier portable ne fut jamais très simple. Car les fêtes du calendrier solaire, donc à date fixe d'année en année, doivent cohabiter depuis perpète avec les fêtes chrétiennes du calendrier lunaire, organisée sur un cycle pascal allant de Carnaval à la Fête-Dieu en passant par l'Ascension et la Pentecôte.
De plus l'organisation des calendriers a valsé selon l'humeur des prêtres depuis l'Antiquité. tenez vous pensiez que de tout temps l'année a commencé le premier janvier? Premier doute avec Printemps signifiant temps premier et septembre qui voulait dire septième mois et non pas neuvième. Bingo, vous y êtes, dans la Rome de César l'année commençait le premier mars. Plus tard on mesure l'emprise de l'Eglise sur le calendrier notamment avec les périodes de quarantaine avant les fêtes de Pâques et Noël, 40 jours ou la période de migration de l'âme vers l'au-delà, du jour de Pâques à l'Ascension.
"Venez danser dans la rue
Ce n'est plus défendu
C'est la fête, la fête
En vérité je vous le dis
C'est le paradis
C'est la fête, la fête"
Mais le plus important et sacrément festif reste que que le calendrier des fêtes recèle le patchwork le plus indéfinissable des marqueurs et traces, des cultures et croyances des peuples et nations, réunissant une infinité de données du domaine spirituel, religieux, philosophique, mythique, sacré et politique... Le tout aux lueurs de fêtes changeant chaque saison de décors, au milieu de masques, déguisements, rituels, commémorations, farces et cadeaux (et cadavres de bouteilles, d'eau minérale et de Fanta bien sûr!).
Alors faisons péter les fêtes et le calendrier et un peu moins les télescopes et les psaumes, en se disant que nous, pauvres mortels au milieu de l'immensité cosmique, sommes de riches âmes sous notre arbre de Noël ignifugé, jetable, recyclable, etc. Sinon rendez-vous à Carnaval, la Fête des Mamans, la Fête de la Musique, le 14 Juillet, Halloween, et même à la Toussaint... en invitant vos potes immortels de chez Google ou Jupiter (Copernic si tu nous écoutes).
"C'est comme un grand coup de soleil Un vent de folie Rien n'est plus pareil Aujourd'hui On a les yeux écarquillés Sur la liberté Et la liberté C'est la fête, la fête!" © |